domingo, 5 de outubro de 2008

O perfil da Constituição Francesa de 1958 nos seus cinquenta anos

O jornal Le Monde de 04 de outubro de 2008 traz entrevista com Jean-Louis Debré, filho de Michel Debrè (um dos mentores da Constituição francesa de 1958). Nesta entrevista, enviada pelo Professor Farlei Martins, destaque-se o novo perfil da Justiça Constitucional na França como resultado da revisão constitucional de julho de 2008.
Entretien avec Jean-Louis Debré, ancien président de l'Assemblée nationale

Cinquante ans après son avènement, comment se porte la Constitution de 1958
?
Grâce à sa souplesse, elle a résisté aux crises, survécu aux cohabitations
et fait mentir ceux qui affirmaient qu'elle avait été faite pour de Gaulle.
Il faut bien se replacer dans l'esprit des constituants de l'époque. L'idée
n'était pas de favoriser je ne sais quel pouvoir personnel mais de restaurer
l'autorité de l'Etat, en mettant un terme aux dérives de la IVe République :
des gouvernements faibles, sous la domination permanente d'une Assemblée
incapable de conduire une politique mais qui légiférait sur tous les sujets,
de la réglementation de la pêche à la ligne dans les rivières au marquage
des ovins ; une instabilité gouvernementale chronique ; des coalitions sans
cesse perturbées par des crises internes ; un président impuissant parce que
privé de toute légitimité.
Mon père était, à l'époque, garde des sceaux. Il a préparé l'avant-projet de
loi constitutionnelle. Il était viscéralement attaché au régime
parlementaire. Ce qu'il souhaitait, c'était renforcer le gouvernement dans
ses rapports avec le Parlement. De son côté, le général de Gaulle voulait un
chef de l'Etat fort, "au-dessus des contingences politiques". Dès l'origine,
la double nature de la Constitution était là : parlementaire d'un côté,
présidentielle de l'autre. C'est cette dualité qui lui a permis de résister
à tous les aléas.
Aujourd'hui, le président décide de tout, le premier ministre n'existe plus
et le Parlement a bien du mal à trouver sa place...
Tous les présidents de la République, depuis de Gaulle, ont eu leur
interprétation de la Constitution. Mais il ne faut pas enterrer le premier
ministre trop vite. Rien ne garantit qu'à l'avenir il y aura adéquation
systématique entre la majorité présidentielle et la majorité législative.
L'adoption du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral,
intervenues en 2000, ont sans doute contribué à renforcer le pouvoir
présidentiel, comme l'avait déjà fait, en 1962, l'élection du président de
la République au suffrage universel. Mais elles n'ont pas changé la nature
du régime.
La révision votée en juillet n'est-elle pas de nature à bouleverser
l'équilibre des pouvoirs, comme vous sembliez le craindre pendant son
élaboration ?
Aujourd'hui, la réforme est votée. Elle est la Constitution de la France. Je
n'ai pas à juger les nouvelles dispositions, puisque le Conseil
constitutionnel que je préside va être appelé à statuer sur les lois
organiques et le nouveau règlement des Assemblées.
Etait-il nécessaire de changer la Constitution pour renforcer le poids du
Parlement ?
Pour que le Parlement puisse exercer pleinement ses fonctions, il faut
d'abord faire en sorte que les parlementaires soient plus présents à
l'Assemblée. C'est difficile. L'absentéisme parlementaire ne date pas
d'aujourd'hui. Depuis 1790, il est dénoncé par la plupart des présidents de
notre Assemblée. J'ai essayé, lorsque j'exerçais la présidence de
l'Assemblée, de faire évoluer la pratique. Je n'ai guère été soutenu. Je
n'ai pas été suivi par mes propres amis. Pourtant, c'est une évidence : face
à la puissance de l'administration, le Parlement ne peut prétendre exister
s'il continue de fonctionner comme aujourd'hui.
Qu'est-ce qui doit changer dans la manière d'exercer le travail de
parlementaire ?
Il faut commencer par admettre que la loi ne règle pas tout. Le volume des
lois a quadruplé en quarante ans, il a augmenté de 50 % au cours des dix
dernières années. Nous assistons à une inflation des amendements : plus de
231 000 ont été déposés lors de la dernière législature contre 50 000 entre
1997 et 2002. Pour une bonne part, cette inflation est due à un détournement
du droit d'amendement. Permettez-moi une réflexion que j'avais déjà formulée
publiquement quand j'étais président de l'Assemblée. Cette dérive du droit
d'amendement est souvent l'expression d'une volonté, pour les uns, de gagner
du temps et, pour les autres, de marquer leur différence par rapport au
gouvernement.
Vous estimez qu'il y a une forme de détournement de la loi ?
Ce qui est encore plus regrettable, c'est le phénomène de déclin de la loi.
Au fil des temps, on a laissé prospérer des dispositions qui ne relèvent pas
du domaine de la loi mais du domaine réglementaire. S'est aussi installée
une pratique où un ministre, dès lors qu'il n'arrive pas à imposer ses vues
à son administration, qu'il ne parvient pas à passer certaines
dispositions - parce que c'est long, parce qu'il faut les soumettre au
Conseil d'Etat, prendre des avis -, préfère les faire porter par quelques
députés ou sénateurs sous forme d'amendements. La voie parlementaire se
substitue à la voie administrative. Mais ce n'est pas aux élus de régler les
problèmes de l'administration !
A qui la faute ?
J'observe, malheureusement, l'affaiblissement du sentiment de l'intérêt
général face aux intérêts particuliers. Malgré les règles qu'avaient
imaginées les constituants de 1958 pour y mettre fin, on voit réapparaître
des lois de circonstance, des lois déclaratives, des lois bavardes. Quant
aux parlementaires, ils sont désormais autant les représentants d'une
circonscription, voire d'un canton, que des élus de la nation. L'évolution
n'est pas nouvelle mais elle est de plus en plus marquée.
La pression des lobbies n'est-elle pas de plus en plus forte ?
Ils ont toujours existé mais ils sont de mieux en mieux organisés, donc plus
influents. Ces lobbies sont aujourd'hui très spécialisés, affûtés
techniquement, dotés de services juridiques très compétents.
Leur influence s'exprime de plusieurs façons. D'abord, au niveau de
Bruxelles, le haut lieu du lobbying. Comme on retrouve les directives de
Bruxelles dans la transcription des lois, on peut dire que le lobbying a
déjà imprimé sa marque quand le texte arrive au Parlement. En second lieu,
on a le lobbying, presque traditionnel, sur le député ou le sénateur. En
troisième lieu, le lobbying qui s'effectue par l'intermédiaire du groupe
parlementaire, car les groupes maintenant - cela n'a pas toujours été le
cas - s'appuient sur des collaborateurs de qualité et surtout nombreux. Ils
bénéficient de moyens financiers importants. Certains représentants de
groupes d'intérêt arrivent même à bénéficier de cartes permanentes pour
entrer à l'Assemblée et circulent facilement dans les couloirs. Il n'est pas
anormal que les parlementaires entendent les représentants d'intérêts
particuliers, mais c'est un équilibre à trouver.
Vous avez enfin le lobbying qui s'exerce sur l'administration. Sans oublier
l'influence des campagnes de presse : on légifère sous le coup de l'émotion,
en fonction d'événements particuliers. La loi n'est plus seulement un
instrument juridique, c'est un élément d'une pédagogie politique : un
problème, une loi, ou l'annonce d'une loi.
Pourquoi les lobbies sont-ils devenus aussi influents ?
L'importance du lobbying est démultipliée par l'évolution de la taille des
lois. Quand certains textes font plus de cent articles, qui règlent autant
de cas particuliers, à ce moment-là on ouvre la porte à tous les lobbies,
représentant autant d'intérêts. Si on en revient à cette lecture simple de
la Constitution, selon laquelle la loi fixe les grands principes, le
règlement l'applique, on peut effectivement espérer faire reculer le
lobbying.
Va-t-on dans le sens de la "coproduction" réclamée par Jean-François Copé,
le président du groupe UMP de l'Assemblée ?
Que faut-il entendre par "coproduction" des lois ? Il ne faut pas l'oublier,
la loi est le moyen dont dispose le gouvernement pour traduire en termes
juridiques ses priorités politiques. Le Parlement va-t-il vouloir gouverner
à la place du gouvernement ? La majorité va-t-elle imposer "sa" loi au
gouvernement ? Attention aux mots ! La caractéristique de la Ve République,
c'est que le pouvoir de l'exécutif ne lui est pas délégué par le Parlement.
Il dispose d'un pouvoir autonome. Je fais confiance aux hommes pour que les
acquis de la Ve République - restauration de l'autorité de l'Etat, de
l'autorité gouvernementale, continuité et efficacité - puissent perdurer.
Vous semblez tout de même inquiet. La révision constitutionnelle
risque-t-elle d'accroître l'instabilité ?
La Ve République a essayé de faire en sorte que les crises juridiques et les
crises politiques coïncident. Souvenons-nous de la IVe République dont les
constituants ont voulu faire disparaître les dysfonctionnements. La moyenne
de durée du gouvernement n'excédait pas sept mois, et pendant leur courte
existence ils étaient traversés par des crises internes. Parfois, en moins
d'un an, les principaux ministères changeaient de ministre deux ou trois
fois. Il en résultait une crise politique permanente qui ne trouvait pas de
traduction juridique et n'entraînait pas l'obligation pour le gouvernement
de démissionner.
Le gouvernement a mal soupesé les conséquences de sa réforme ?
La rédaction des lois organiques revêtira une grande importance.
Le Conseil constitutionnel va avoir de nouvelles attributions. C'est un
progrès ?
Le Conseil constitutionnel est progressivement devenu une juridiction.
L'introduction de l'exception d'inconstitutionnalité est une évolution
positive, conforme à ce que l'on connaît dans les pays européens. La
possibilité pour chaque justiciable de saisir le Conseil constitutionnel
s'il estime que la loi qui lui est opposée n'est pas conforme aux principes
républicains va dans le bon sens. Il y a une justice judiciaire, il y a une
justice administrative, la justice constitutionnelle prend aujourd'hui toute
sa place au service des droits des citoyens.

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